Asphodèle était allongée entres les racines d'un immense chêne, et roupillait tranquillement. Raoul, sa belette, montait la garde près de son épaule. Il ne comprenait pas pourquoi sa Hobbite de maîtresse pouvait être aussi sereine, alors que ces bois étaient connus pour regorger de dangers.

- Mais on craint rien, Raoul, l'avait-elle rassuré alors qu'ils étaient entrés sous le couvert des arbres, quelques heures plus tôt. On va rester pas trop loin de la lisière, pour pas se perdre. Et puis tu oublies que j'ai gagné le concours de cache-cache de Lerot l'année dernière, si quelque chose arrive, il ne nous trouvera pas !

Raoul lui avait alors lancé un regard qui semblait dire : "Mouais, pas si sûr...", mais avait quand même suivi la petite Asphodèle.

La jeune Hobbite se lançait rarement dans de telles expéditions, au-delà des limites du Petit Pays. Mais il y avait quelques occasions qui ne manquaient jamais d'arriver, et auxquelles elle se préparait des jours à l'avance. Ces occasions étaient en général des voyages commerciaux, durant lesquels elle se rendait au royaume d'Orbel pour remplir les tonneaux de sa taverne.

Cette fois-ci, elle était partie chercher des champignons et des herbes dans la forêt de Felryë, étant donné qu'on ne les trouvait nulle part ailleurs. Et puis, Asphodèle aimait la qualité ; elle ne détestait rien plus qu'un plat raté ou un vin de piètre qualité. Aussi s'occupait-elle elle-même de tous ses ingrédients et de tous ses fournisseurs.

La veille, elle avait donc fermé à clé la porte de l'auberge de la Belette Rieuse et avait laissé un petit mot pour les éventuels visiteurs : "Je suis partie pour quelques jours, afin de ravitailler mes stocks.", suivi d'un petit gribouillis, sa signature. Puis elle était partie, Raoul sur ses talons. Elle avait pris soin d'emporter trois sacs : un pour les champignons, un autre pour les herbes, et un troisième au cas où deux sacs ne seraient pas assez.

Marchant d'un bon pas, elle était arrivée le soir-même à la lisière de la forêt, éreintée. Elle prit tout de même la précaution de passer la nuit à l'extérieur, car si le jour tient les démons en respect, ils profitent de l'ombre pour s'agiter. Après une bonne nuit d'un sommeil revigorant, Raoul et elle entrèrent dans les bois. Ils passèrent de longues heures à chercher ce dont ils avaient besoin ; mais ils havaient l'habitude de ce genre de travail, et formaient une équipe gagnante. Au bout de six heures, ils eurent complètement rempli les trois sacs ; Asphodèle décida donc de faire une pause avant de repartir. Elle prit son casse-croûte, Raoul trouva le sien dans un trou de souris, puis la jeune Hobbite prit sa sieste, sereine, au grand dam de la belette, qui l'était beaucoup moins.

Il tendait l'oreille, attentif. Il était sur ses gardes. Au loin, il entendit un craquement. Étrange : ce bruit ne faisait pas partie des bruits naturels de ce coin. De ses petits yeux, il tenta de percer l'ombre qui régnait dans cette direction. De son petit museau, il chercha une odeur inhabituelle. Rien. Et pourtant... Tout était devenu étrangement calme. Trop calme... Il se rapprocha d'Asphodèle, endormie, les muscles tendus et les crocs en dehors. Il fixait toujours la même direction, celle d'où était venu le craquement. Il attendait.